"Tu vis les plus belles années de ta vie !"
Combien de fois ne m'a-t-on pas dit cette phrase d'un air à la fois
envieux et nostalgique. J'ai toujours répondu avec un scepticisme qui
n'était jamais pris en compte par mes interlocuteurs, parce que j'étais
une adolescente, et que les adolescents ne croient pas les adultes, se
plaignent de tout, ne sont jamais satisfaits, n'est-ce pas ? Personne ne
se posait la question de pourquoi j'étais sceptique, après tout ces
conversations étaient anodines et ne méritaient pas d'approfondissement,
n'est-ce pas ?
De la primaire à la Terminale, j'ai vécu une scolarité douloureuse, qui a laissé des traces.
Mes années de primaire ne m'ont pas permis de développer une certaine confiance en moi, j'ai ensuite été harcelée pendant mes quatre ans de collège, puis j'ai traversé le lycée en errant d'année en année comme un fantôme, une enveloppe insignifiante, une carcasse triste, abimée et en colère contre tout le monde.
L'amitié entre enfants, c'est important.
Quiconque pense que les amitiés des enfants ne sont qu'anecdotiques se trompe lourdement.
Dès qu'on commence à interagir avec l'autre, les relations sociales ont du sens, et nous permettent de façonner notre personnalité. Dès la crèche, les petits apprennent à composer avec les autres, en jouant, en se disputant, en aidant, en copiant... et les personnalités ressortent déjà. À trois ans une petite fille est capable de s'effacer complètement à côté de sa copine qui a bien plus de caractère qu'elle, et de ne pas savoir quoi faire de sa peau quand ladite copine n'est pas là pour donner le ton. À trois ans on peut déjà manquer cruellement de confiance en soi. Et mon travail, c'était aussi d'essayer de faire comprendre à cette petite fille qu'elle pouvait jouer quand sa copine n'était pas là, qu'elle pouvait inventer ses propres histoires, qu'elle savait elle aussi faire/dire des choses intéressantes sans avoir à copier sur quelqu'un, pour qu'elle continue de se développer en ayant plus confiance en elle.
Si c'est déjà important à trois ans, il est naïf de penser qu'en primaire, les amitiés sont oubliables, sans conséquences.
Pour comprendre qui j'étais en arrivant au collège, il faut que je parle de ma primaire.
J'étais dans une petite école de deux classes à l'époque. Une pour les trois sections de maternelle, et une pour tous les niveaux du primaire. J'ai donc passé toute cette période avec les mêmes enfants en gros, et c'était tellement petit, tout le monde se connaissait.
À mon niveau, il n'y avait que C., et bien qu'elle était mon exacte opposé, on est "naturellement" devenue amies. Elle était d'ailleurs ma seule "vraie" amie. Comme on était les seules dans notre tranche d'âge, on était forcément comparées par les autres, on était forcément plus ou moins en concurrence. Sauf que je n'avais déjà pas grande confiance en moi à la base. Je venais de la seule famille de noirs de la commune, je ne ressemblais pas trop aux autres, "en plus" j'étais boulotte, je me pensais moche. Et à côté de moi, C., populaire auprès des filles parce qu'elle était mince, jolie et sympa, et populaire auprès des garçons parce qu'elle jouait au foot et s'entendait donc très bien avec eux. (C'est cliché, mais ce sont les faits.) Elle était un peu la "chouchoute" de l'école, admirée par les autres élèves, elle avait terriblement confiance en elle. Elle savait qu'elle avait un certain pouvoir, et je pense qu'elle avait un plaisir narcissique, peut-être inconscient, à m'écraser de temps à autres.
Elle était sympa, j'étais son amie, mais disons-le clairement : elle me traitait comme une crotte dès qu'elle était de mauvaise humeur. Le problème avec ça, c'est que quand elle me faisait la tête, toute l'école se mettait à me faire la tête. La plupart du temps sans savoir pourquoi. C. ne me parlait plus, alors les autres non plus. Ce mode de fonctionnement m'a valu quelques moments de solitude et d'humiliation. Quand on était en CM2, pour la fête des pères on avait toutes les deux un poème à trous, inscrit au tableau, qu'il fallait recopier et remplir de façon à faire des rimes. Ensuite notre instituteur a relu le poème à la classe en donnant à la place des trous chacune de nos propositions. Les élèves votaient pour le mot qu'ils préféraient, et l'instituteur l'inscrivait dans le trou. À la fin, tout le monde devait recopier le poème du tableau pour l'offrir à son papa. Mes chers camarades avaient très vite compris quelles propositions étaient celles de C. et s'évertuaient à les choisir à chaque fois. Qu'on ne me dise pas que c'est du hasard. L'instituteur s'en est rendu compte aussi, il a un peu râlé, puis échangé les feuilles, mais les enfants l'avaient bien remarqué, et au final le poème au tableau c'était littéralement celui de C. Finalement il m'a dit que je n'avais pas à recopier le résultat et que je pouvais offrir mon poème à mon père. Je m'en souviens comme si c'était hier. Et des moments blessants comme ça, il y en a eu bien d'autres.
Comme je l'ai dit, je n'avais pas très confiance en moi au début du primaire. Mon amitié avec C. ne m'a pas aidé à ce niveau là, bien au contraire, et je suis arrivée au collège avec un sérieux complexe d'infériorité.
Les quatre années qui m'ont démolie.
J'ai quitté ma petite école pour un collège qui n'étais pas si grand que ça, mais qui à l'époque m'impressionnait énormément. C. est partie dans un autre collège, ça m'attristait, mais avec le recule je pense que ce n'était pas plus mal. Je n'avais plus d'ami, et ayant vécu toute la primaire avec les mêmes enfants, je n'avais pas du tout les codes pour m'en faire de nouveaux.
Dans ma classe de 6e il y avait une bande de filles qui avaient l'air cool, j'ai maladroitement essayé de m'y greffer dès les premiers jours, en m'approchant d'elles, en les suivant partout. Sauf que je ne leur ressemblais pas du tout, je n'étais pas cool, et elles ne m'ont pas intégré. Elles se sont très vite mises à se moquer de moi, à me dire que j'étais un petit chien, et à m'interpeler en m'appelant "Wouf wouf". En plus mon nom de famille ressemble à une race de chien, c'était l'éclate. J'ai arrêté de les suivre, mais ça a continué, la machine était lancée.
Chaque année la configuration de ma classe changeait, et chaque année tout recommençait. Pour une raison ou pour une autre, mes camarades ne manquaient pas une seule occasion de se moquer de moi. Je ne comprenais pas exactement pourquoi on s'acharnait à m'humilier quotidiennement, il n'y avait pas de fil conducteur, pas de logique bien définie dans les moqueries, chaque prétexte était bon à prendre. Et tout le monde semblait trouver ça tout à fait normal. Un jour, en 4e je crois, un nouveau est arrivé dans la classe en milieu d'année. Il a demandé : "Pourquoi vous l'emmerdez ? Qu'est-ce qu'elle a fait ? C'est une balance ?" Quelqu'un a répondu : "Hein ? Non... Mais t'as vu sa gueule ?!" Hilarité générale. Peut-être que c'était ça mon problème en fait : j'avais une sale gueule, et ça méritait toutes ces tortures mentales.
En 5em, ma prof de maths a réprimandé un garçon parce qu'il ne notait pas assez de choses sur son cahier. Elle a pris le mien comme exemple de cahier bien tenu, et il a rétorqué que c'était normal, que j'étais tellement bête que j'écrivais absolument tout ce qu'elle disait, même les hors sujets, et que c'était pour cette raison que mon cours était aussi bien fourni. Dans le bus on tripotait mes cheveux frisés en les comparant à des poils de chien. Les portes des toilettes ne fermaient pas, il est arrivé qu'on donne des coups dans la mienne pour l'ouvrir. C'est pratique de faire pipi sereinement dans des toilettes turques en essayant de retenir la porte. En 5e en cours d'EPS on a été initié à la lutte. Mon adversaire a jugé divertissant de soulever l'air de rien mon pull pour exposer à la vue de tous mon ventre grassouillet, mon soutien-gorge et ma poitrine. Je savais qu'elle l'avait fait exprès, ce geste précis n'était pas nécessaire dans l'action, sauf que c'était ma parole contre la sienne, alors je n'ai rien dit. Pendant le même cours on m'a aussi balancé un coupe ongle à la figure, ambiance.
En parlant de poitrine, c'est cette année là qu'elle a commencé à se développer davantage que celle des autres filles. Peu après la rentrée, je parlais sous le préau avec une copine, un garçon est passé entre nous et a plaqué ses mains sur mes seins avant de partir, dans le plus grand des calmes. J'étais tellement surprise, je n'ai pas réagit. Je me souviens de ma copine me disant "Moi à ta place je l'aurais giflé !". Oui, sauf que moi je n'avais pas les armes pour lutter contre ça. Je n'avais développé aucun mécanisme de défense tellement on m'avait convaincu que j'étais plus bas que terre. C'est à ce moment précis que j'ai réalisé que je n'avais plus de combativité. Ça ne m'était même pas venu à l'esprit, mon corps n'a juste pas bougé.
Je ne savais pas me défendre, et je ne pouvais pas compter sur mes copines pour le faire. Soit elles étaient dans le même cas que moi, soit elles restaient passives et attendaient que ça passe, avant de me donner de vagues conseils.
Une fille m'a dit un jour de rire avec mes bourreaux, que c'est comme ça qu'on s'intègre, en dédramatisant. Cette fille était elle-même victime de rumeurs dégradantes, on racontait d'elle qu'elle se prostituait, j'en passe et des meilleures. C'est vrai qu'elle était plutôt souriante, et qu'elle riait de bon cœur quand on lui faisait des remarques, elle faisait elle-même des blagues pour désamorcer. Je l'observais beaucoup dans ces moments précis, et en toute honnêteté, je ne pense pas que son attitude était si saine que ça. Je ne pense pas non plus qu'elle était si bien intégrée. Et je ne suis pas sûre qu'elle vivait tout ça si bien qu'elle le prétendait. Rire avec ses bourreaux, je sais bien que c'est un mécanisme de défense, mais je trouve que c'est le comble du malsain, et que ce n'est pas un conseil à donner. Quelle image se forge-t-on de nous-même dans ces conditions ? Rire de mes humiliations, ça aurait été les valider, les cautionner, et être d'accord avec le harceleur qui me répétait que je n'étais qu'une moins que rien. Rire de mes humiliations n'aurait pas réglé le problème du tout, et franchement, je n'avais pas le moins du monde envie de rire.
Certaines de mes copines me disaient de répondre. Malheureusement je n'avais pas appris à avoir de la répartie, et les rares fois où j'essayais, je n'étais pas convaincante, et les moqueries redoublaient. J'évitais donc cette stratégie, parce que je n'avais pas construit un caractère assez fort pour la mener à bien.
Ma mère me disait en général que les personnes qui me faisaient du mal étaient jalouses de moi, et que je devais les ignorer. Je sais qu'elle disait ça pour essayer de gonfler mon égo, mais je n'avais déjà plus aucun égo à gonfler. J'étais déjà persuadée d'être nulle, moche, et sans intérêt, pour quelle raison qui que ce soit pouvait être jaloux de moi ? Je n'y croyais pas une seule seconde. Par contre, j'ignorais effectivement la plupart du temps. Ou du moins, je restais passive, j'attendais que ça passe. De temps en temps je levais mon visage, sur lequel devait transpirer ma tristesse et mon impuissance, ça ne devait pas aider. En y réfléchissant, par "ignorer", elle devait sûrement entendre "ne pas faire attention". Mais comment ne pas faire attention à quelque chose qui arrive tous les jours, toutes les semaines, qui ne te laisse pas de répit. Comment ne pas faire attention à des gamins qui s'évertuent à te montrer toute la journée que tout ce que tu fais, tout ce que tu dis, tout ce que tu es, est ridicule, et qu'ils se marrent bien à tes dépends.
Abandonnée par les adultes.
Les adultes ne réagissaient pas.
Comment fait-on pour avoir confiance dans les adultes quand ceux qui doivent me protéger font l'autruche ?
Vous croyez que le prof d'EPS n'avait pas vu ma camarade soulever mon pull pendant le cours de lutte ? Bien sûr que si, il a rapidement détourné les yeux et a fait comme si de rien n'était. Ce même prof qui a été témoin d'une vague de moqueries, sur le chemin du gymnase, et qui m'a demandé "C'est tous les jours comme ça ?". À sa question, je vous jure, je me souviens encore de la petite boule d'espoir qui est née en moi. Je me suis dit qu'enfin quelqu'un remarquait, enfin quelqu'un voyait, se rendait compte, et allait me venir en aide ! Devinez ce qu'il m'a répondu quand je lui ai dit qu'effectivement, c'était tous les jours comme ça. "Bah dis donc ! Tu dois pas avoir envie de venir le matin !" Et il est parti en tête du groupe. Il est parti après m'avoir balancé cette remarque en pleine quiche. Il est parti, et m'a laissé abasourdie, ma petite boule d'espoir à peine formée, tombant dans ma poitrine et se brisant à grand fracas. Non, je n'avais pas envie de venir le matin parce que je savais que j'allais passer la journée à me faire insulter. Mais mon désarroi n'avait pas l'air d'inquiéter ce professeur.
Et ce n'était pas le seul à fermer les yeux et/ou ne pas se rendre compte. Ma fameuse prof de maths de 5e était aussi ma prof principale. Un jour ma mère lui a donné rendez-vous pour parler de mes problèmes avec mes camarades. Problèmes qu'elle voyait parfaitement pendant son propre cours. Elle a dit à ma mère que "Ils se taquinent, c'est normal à cet âge, c'est l'âge bête !" Elle a bien fait comprendre à ma maman, que le souci dont je me plaignais n'était pas si grave, et qu'il fallait que je fasse des efforts pour m'intégrer. En sortant du rendez-vous, ma mère était convaincue par les paroles de ma prof principale, et moi j'étais convaincue que je ne demanderais plus jamais d'aide à ces charognards.
Je suis insultante, c'est vrai, mais encore maintenant je trouve inadmissible qu'aucun de mes professeurs n'ai levé le petit doigt pour ne serait-ce que me soutenir, alors qu'ils savaient pertinemment ce que je vivais. Je ne dis pas que c'est facile d'être prof au collège, et je ne voues aucune haine envers le corps enseignant. Cependant j'ai encore du mal à encaisser leur négligence.
La traversée du désert.
J'ai fini par quitter le collège avec une vague nostalgie des bons moments trop rares que j'avais eu avec mes copines (rares elles aussi). Je me souviens avoir marché vers le portail en compagnie de Marialice, ma meilleure amie de l'époque, et ma première réelle amie avec tout ce qu'il y a de bon et de trépident dans cette relation. On s'est retournées pour regarder une dernière fois la cour quasiment vide, je nous ai revues parler de Final Fantasy VIII avec enthousiasme, échanger nos impressions sur l'épisode de Buffy du week end, nous extasier sur notre prof de français préférée... En détournant les yeux de la cour, et en franchissant ce portail vert, j'ai aussi dit au revoir à tous mes bourreaux, soulagée de ne plus avoir à les croiser tous les jours.
Puis je suis entrée au lycée.
Une nouvelle aventure a commencé. Pour ce nouveau périple, j'avais emporté avec moi tous mes bagages lourds de traumatismes.
Au collège j'étais l'imbécile moche et "grosse" de qui il fallait se moquer, au lycée je n'étais plus rien. Invisible, insignifiante. Les premières semaines je m'en accommodais bien, on me fichait la paix, c'était royal ! Mais très vite j'ai commencé à en souffrir, parce que ça me confirmait ce qu'on m'avait toujours assené : je n'étais pas digne d'intérêt.
Pendant mes deux années de BEP je n'étais qu'un spectre. En 1ère, il y a eu un peu de mieux. J'ai découvert les joies d'Internet, et j'ai commencé à me passionner sérieusement pour le Japon. En parallèle je me suis fait une nouvelle amie avec qui partager mes découvertes et qui me ressemblait enfin. En Terminale, j'ai commencé à nourrir une colère envers les autres. Mes choix vestimentaires sont devenus plus sombres et "agressifs", les remarques désobligeantes ont recommencé à fuser autour de moi, je me suis renfermée comme une huitre. Mes rares amies étaient les seules à échapper au profond dégout que le monde extérieur à ma coquille me provoquait. "C'est l'adolescence !" va-t-on me dire. Certes, mais j'en étais arrivée à un tel degré de mal-être que j'ai commencé à me scarifier. (Ça n'a pas duré longtemps, je crois que je n'y trouvais pas ce que je cherchais.)
Le fait est qu'en plus de n'avoir ni confiance, ni amour envers moi-même, j'avais également perdu amour et confiance envers les autres. Je les détestais d'être aussi bien dans le monde, alors que moi je n'avais jamais su trouver ma place nul-part, parce qu'on ne m'avait pas donné ma chance, parce que j'avais été maladroite et que visiblement, c'est impardonnable. Je les détestais de maîtriser tous les codes pour être intégrés dans la société, et je les détestais de ne pas comprendre que moi j'avais du mal, et que ça n'avait rien de drôle. Je les détestais parce que je revoyais mes bourreaux dans tous les visages que je croisais, dans tous les rires que j'entendais. Quand je marchais dans les couloirs, j'étais persuadés que tous les éclats de rires étaient provoqués par ma présence, et je me sentais agressée par la leur. Parfois je regardais les autres, et j'avais presque la nausée. J'étais anxieuse. Je trainais encore avec moi tous mes fameux bagages lourds de traumatismes, et mes démons en sortaient régulièrement pour me rappeler que je n'étais qu'une moins que rien.
Inconscience collective.
En 2010, un de mes harceleur m'a retrouvée sur Facebook. J'ai accepté son invitation, par curiosité, et il est venu me parler, comme une fleur, pour savoir ce que j'étais devenue. Après une rapide discussion, j'ai abordé le sujet de ses moqueries. Il se souvenait bien de cette époque, mais apparemment il n'y voyait pas de vrai problème, il m'a dit "C'était l'âge con !", il n'a exprimé aucun remord. Je lui ai dit que quand même, c'était un peu facile, et que je trouvais étrange de ne pas avoir été touchée par ce phénomène d'âge con. La conversation est morte, je l'ai supprimé. Le lendemain, il m'a envoyé une nouvelle invitation, visiblement il ne comprenait pas du tout à quel point il avait pu me blesser. Je lui ai envoyé un message privé pour lui expliquer que je ne l'accepterais pas dans mes contacts, et pourquoi. Je n'ai jamais eu de réponse. Je suis presque sûre qu'il pensais que je dramatisais.
Je trouve terriblement frustrant et dangereux que les gens minimisent les conséquences d'un harcèlement scolaire, à court comme à long terme.
Il y a pourtant tellement de cas d'enfants qui se suicident, qui se font du mal. Sans aller jusqu'aux extrêmes, je n'arrive vraiment pas à comprendre comment on peut décider de s'occuper d'enfants, d'en avoir la responsabilité, mais de fermer les yeux quand ces mêmes enfants souffrent sous notre nez toute la journée. Est-ce qu'on arrive à se coucher sereinement le soir, et à dormir sur ses deux oreilles, quand on a abandonné un gamin qui demandait de l'aide pour un problème dont on a pourtant conscience ? Se dire qu'il oubliera vite une fois adulte, ça doit aider à avoir la conscience tranquille, j'imagine. Sauf que c'est se voiler la face que de penser qu'un ado qui subit des humiliations tous les jours pendant quatre années en sortira indemne.
J'ai 29 ans, bientôt 30, et je n'ai pas oublié.
Les mots de la fin.
Je voulais terminer cet article comme ça, mais je me dis que si une victime de harcèlement tombait dessus elle finirait sa lecture sur un ton négatif, et je ne veux pas de ça.
Bien sûr, toutes ces années ont créé chez moi des faiblesses, des inquiétudes. Le harcèlement a provoqué certaines de mes insécurités, certains réflexes malheureux. Mais même si sur le moment on a l'impression que ce que l'on vit à l'école constitue toute notre vie, ce n'est pas le cas. Et ma personnalité, elle a également été forgée avec des choses positives qui me sont arrivées, parce que je ne suis pas qu'une victime de harcèlement, je suis plein d'autres choses également. Et toi aussi, tu es plein d'autres choses.
Si tu vis des moments douloureux, essaies de te dire que ce n'est pas ça ta vie, qu'il y a d'autres choses qui peuvent te faire du bien, et accroches toi à elles. Accroches toi à ta familles, à tes amies, à ta passion, à ton chien/chat/lapin/hamster/chauve-souris, accroches toi à ce qui te fais du bien. Ce sont ces choses là qui valent la peine, et qui font de toi la personne que tu es. Pas les harceleurs, pas les insultes, pas les coups. Tu es plein de choses à la fois, plein de choses cools, tu es quelqu'un qui aime, qui est aimé, qui créé, qui s'évade, qui explore, qui se passionne, qui apprend, qui évolue... Tu es tout ça,
tu es loin d'être un/une moins que rien.
Tu es important-e.
Encore une chose. J'ai parlé des adultes qui ont du mal à comprendre et à réagir, mais il faut quand même leur parler. Peut-être qu'à force ils comprendront, si tu expliques ce que tu vis, si tu dis que ce n'est pas acceptable. Essaies plusieurs personnes, peut-être qu'une sera plus réceptive. Parles-en à tes parents. Surtout, ne gardes pas tout pour toi. Essaies de trouver de l'aide, tu ne mérites pas ce qu'il t'arrive, ce n'est pas normal, et tu as le droit de vouloir que ça change.
Voilà un cite qui peut être utile :
Il existe des numéros verts (gratuits) :
Si tu ne sais pas vers qui te tourner, tu peux appeler là :
3020
Si tu es harcelé-e sur Internet, c'est par-là :
0800 200 000
Prenez soin de vous, prenez soin des autres.